Etendre la mission de la CEP à la BCM : Une rétrospective

Depuis le changement à la tête de notre grande institution monétaire d’émission, en janvier 2020, la Banque Centrale de Mauritanie (BCM) va mieux.

 

Rémission ou guérison ? 

En tout cas, il était temps ! Mais rien n’est joué !

Il était temps d’abord parce que la BCM. est parmi les grandes institutions de notre pays, celle où le clignotant d’alerte restait allumé depuis plusieurs années sur des fortes présomptions de corruption (abus de pouvoir, malversations, détournement des deniers publics).

Ces présomptions de corruption qu’on ne peut même pas imaginer avaient circulé et persistent. Peut-on vraiment y ajouter foi à ces accusations ?

Certes la BCM est parmi les grands organismes publics mauritaniens, celui où la lutte contre la corruption, par la limitation des pouvoirs discrétionnaires des responsables est la moins développée pour ne pas dire inexistante.

En effet, une loi scélérate, renforcée considérablement en 2018, a consacré l’indépendance institutionnelle de notre institut d’émission sous le fallacieux  prétexte d’éviter qu’il ne soit exposé aux ingérences politiques.

Il ne faut pas qu’à la moindre injonction ministérielle, on recourt à la création monétaire sans contrepartie.

Au nom de cette indépendance politique institutionnelle, la BCM n’est soumise à aucun système de contrôle, ni de la part de la Cour des Comptes, ni de l’inspection générale de l’Etat.

Cela peut sembler à première vue vertueux. En réalité c’est une arme exceptionnelle à double tranchant. Entre les mains d’un responsable prédateur, elle peut devenir une porte ouverte à un gouffre financier de dépenses et de gaspillage sans précédents, une véritable assurance de ruine.

Autant de facteurs qui empêchent l’Etat de promouvoir le développement et la croissance avec pour corollaire des effets néfastes considérables sur la santé de l’économie et sur le bien-être des populations.

Les abus de pouvoirs et la corruption ont prospéré dans un terrain favorable, où l’absence de contre-pouvoir leur a laissé le champ libre.

L’accumulation de ces dysfonctionnements et pratiques insidieuses peut, si elle n’est pas combattue, saper lentement la crédibilité de l’institution jusqu’au moment où même les agents et les citoyens intègres ne voient plus l’utilité de respecter les règles.

La corruption se nourrit d’elle-même en créant une spirale de versements illicites qui finit par saper le développement.

Cette situation peut entrainer à la longue, la violence sociale, l’instabilité et favoriser la formation de cercle vicieux de la pauvreté dont le pays risque d’y rester prisonnier.

 

Mauvaise gouvernance

Ensuite, il était temps, que de nouvelles autorités monétaires réussissent à transformer les déviations administratives, les dysfonctionnements et les pratiques malsaines d’un système administratif à usage abusif, fondé sur le favoritisme et le clientélisme en une administration de cadres professionnels, compétents, probes et obéissant à des règles.

Un exemple d’efficacité et de stabilité, récompensant à la fois le mérite et l’ancienneté qui aident à forger un esprit de corps encourageant le travail et la loyauté.

C’était justement cette mauvaise gouvernance qui avait constitué l’expression même d’un ras-le-bol généralisé au sein des anciens cadres négligés, pourtant honnêtes et motivés.

Tout le monde connait la choquante et flagrante relève de l’ancien directeur des (a.s.).

Les compétences ne manquent pourtant pas chez nous. Ce qui manque, c’est la responsabilité financière et l’obligation de résultats auxquelles le dirigeant doit être soumis.

Les temps retiendront que l’histoire de notre grande institution économique centrale est passée par des phases y compris celles du grand banditisme.

Elles ont servi ces gabégistes tantôt à un enrichissement illicite, tantôt à l’accumulation du capital à coups de prébende.

Selon certains observateurs et commentateurs, il n’est pas question d’allégation d’abus de pouvoir mais de fortes présomptions d’accusation de crimes économiques sous la forme d’un mécanisme terrible de pillage éhonté et indigne.

Qu’on nous comprenne bien. Encore une fois, ce n’est pas une question personnelle.

Nous serions les premiers à nous réjouir de la gestion de qualité de nos responsables.

La présente analyse n’est adressée contre personne. Il ne s’agit pas d’attaques personnelles mais tout simplement de la critique constructive pour nourrir et enrichir le débat national sur le mode de fonctionnement de nos institutions.

Si justement certains pays ont mieux réussi que d’autres, c’est grâce au débat et à la recherche.

Ce n’est pas en interdisant la prise de parole aux membres d’une élite que nos institutions s’en trouveront mieux.

De toute façon sur la mauvaise gestion de nos responsables publics, il ne nous est cependant pas possible de garder le silence sur des pratiques pernicieuses érigées en règles d’administration.

Il faudrait bien qu’un jour les choses soient dites. Eclairer, communiquer avec les citoyens est le minimum que l’on puisse exiger dans une démocratie.

 

Il était temps enfin car l’octroi aux responsables publics d’une plus grande marge de manœuvre ne peut qu’encourager l’arbitraire et la corruption. Ils portent gravement atteinte à la crédibilité de l’institution. Mais l’abus de pouvoir ne nuit pas qu’à la crédibilité de l’institution, car c’est la primauté du droit lui-même qu’un tel comportement remet en cause en sapant l’autorité des règles que les premiers pionniers et responsables de la banque avaient pu installer.

Des contre-pouvoirs efficaces auraient dû être constitués face à l’usage arbitraire du pouvoir des hauts responsables.

La mise en place d’une gestion publique responsable réaffirmant la primauté du droit et la lutte contre les abus de pouvoirs supposent l’existence de mécanisme de contrôle adéquat et de contre-pouvoirs institutionnalisés.

Rien n’est joué cependant.

Une embellie dans un climat longtemps perturbé est une chose mais la restauration durable de ce climat en est une autre.

Des prédateurs de la période précédente continuent de courir ou même de sévir dans des postes juteux.

Or les citoyens exigent maintenant plus de transparence dans la conduite des affaires et réclament d’autres changements pour que l’Etat soit mieux à même d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

C’est pourquoi dans beaucoup de pays et pas seulement dans le nôtre des commissions indépendantes chargées d’enquêter sur des accusations de corruption et d’en saisir la justice ont été mises en place.

Parmi toutes les conditions à réunir pour retrouver la bonne gouvernance dans nos institutions, il en existe une majeure, que l’auteur que je suis tient à souligner en priorité. Pourquoi en priorité ? Parce que l’efficacité économique le commande et exige que des enquêtes économiques rétrospectives soient menées dans les institutions qui n’avaient pas de mécanismes de contrôle adéquats.

Des contre-pouvoirs efficaces doivent procéder à une évaluation rigoureuse et à un contrôle des ressources utilisées.

Dans les organismes publics où les contre-pouvoirs ne sont pas institutionnalisés, l’institution étatique perd de sa crédibilité dans sa lutte contre la corruption qui a existé surtout dans les hautes sphères des institutions économiques centrales où elle est solidement implantée.

N’ayons pas peur des mots ! Il faut appeler les choses par leurs noms.

Notre créateur ALLAH le tout puissant, n’a-t-il pas dit dans le saint coran ? : « Ne dissimulez pas votre témoignage, celui qui le dissimule, son cœur est impie. »

Si je rappelle tout cela, c’est tout simplement par refus de toute complaisance coupable face à la réalité qui est toujours contrastée et traversée de difficultés.

 

La lutte contre la corruption est la condition sine qua non d’une gestion responsable, pour combattre l’exercice arbitraire du pouvoir, au même titre que :

  • L’instauration d’une commission d’enquête parlementaire (C.E.P.)
  • La mise en examen des hauts responsables
  • Ou la gestion des revenus du patrimoine national.

Bien sûr, ces 3 derniers thèmes ont dans l’opinion, un degré d’urgence beaucoup plus grand que celui dont j’ai voulu me saisir et c’est normal, mais aucun des grands problèmes de la société et de l’économie mauritanienne ne pourrait recevoir de solution durable, si était négligée ou mal comprise l’absolue nécessité de rendre rétrospectivement, comptables de leurs actes avec obligation de résultats, ces puissants gouvernants qui disposent de pouvoirs étendus et n’étaient guère tenus de rendre compte de leurs actions au profit d’une course stérile et négative à l’enrichissement personnel.

 

Lehbib Berdid

Analyste

جمعة, 06/11/2020 - 14:05