Les ‘’accueillîtes’’ lors des ‘’visitations présidentielles’’ ont la peau dure

Mises à l’honneur par le défunt PRDS d’Ould Taya, les « visitations présidentielles » sont, pour les ressortissants des régions, l’occasion de descendre sur le terrain, causer et mobiliser leur base à l’accueil du chef de l’État. La capitale se vide alors de ses habitants. Hauts cadres et élus locaux s’investissent et investissent leurs moyens, mais surtout ceux de l’État pour « contribuer », comme disait l’autre, « au succès de la visite du président de la République dans la région ». Certains prennent des permissions et se déplacent avec leur cour, d’autres désertent tout simplement leur bureau au seul motif de la visite du président de la République. Les ministres et directeurs généraux des établissements publics, voire privés, ne peuvent prendre aucune mesure contre ces abandons de poste injustifiés.

Aujourd’hui pour le Gorgol, hier pour Zouérate, Nouakchott se vide donc de ses populations. Car, paradoxe, ce sont aussi tous les cadres des autres régions qui se ruent dans la wilaya-hôte pour s’afficher auprès des natifs au risque même de les noyer. En scrutant les fils des accueilleurs venus tendre la main au Raïs, on est frappé de reconnaître des visages déjà vus un peu partout, dans toutes les régions. Que viennent-il donc chercher en cette contrée ?Pourquoi sacrifient-ils leur temps, carburant et autres à parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres ? Montrer simplement qu’on est prêt à accompagner le président de la République partout où il se rend dans le pays ? Feu Habib ould Mahfoudh avait, en son temps, dénoncé, dans une de ses belles chroniques au Calame, ces singulières « accueillites ».Un phénomène incompréhensible au mauritanien lambda qui se demande pourquoi le président de la République ne met pas fin à cette pandémie si néfaste au fonctionnement de l’administration. Même celle du COVID 19 n’y peut rien !

 

Bizarreries

Ces « invités salueurs » qui se trimbalent dans toutes les régions et se bousculent pour un simple « voyez-moi » forment un véritable écran entre le Président et les populations locales qui attendent d’autant plus cette occasion d’exposer directement leurs doléances à leur hôte qu’elles sont rarement relayées par les élus et les renseignements. Quant aux conférences des cadres tenues à l’occasion, elles ne traitent que superficiellement les préoccupations réelles des gens. Plus grave, certains accueilleurs se déplacent pour décrocher une audience foraine avec le Président et leur séjour en certaines agglomérations occasionne de sérieux désagréments aux citoyens, comme l’augmentation brutale de prix de divers produits, hôtes et invités raflant les épiceries et les stations de gas-oil…

Une semaine avant le Jour J, certains départements ministériels et directions d’établissements publics sont paralysés, leurs patrons pris dans des réunions à préparer des dossiers de leur secteur. Cette fébrilité dans les ministères démontre combien l’administration est très laxiste : on ne se rappelle des dossiers que lorsque le chef se déplace. Bizarreries mauritaniennes... En se déplaçant, ces messieurs-dames emportent presque tout leur staff… avec des frais et perdiem substantiels. C’est dire combien les visitations présidentielles sont vache-à-lait pour nos cadres…Ainsi réussissent-ils en quelques jours de très belles et juteuses virées, avant de revenir dans la capitale et raconter à qui veut les écouter leur aventure.

Il semble que les cadres-hôtes éprouvent le besoin de mobiliser leurs amis et parents pour « gonfler » la foule, le succès de la visite en dépendrait. Manière curieuse de justifier le déplacement. Au demeurant risqué : on se rappelle que ces randonnées derrière le Président occasionnent parfois de tragiques accidents. Il y a quelques années, un ancien cadre des impôts originaire de M’Bagne, parti de Nouakchott accueillir avec ses amis le Président dans une des régions de l’Est, perdit ainsi la vie près de Maghta Lahjar.

On pensait que ce phénomène d’accueillites ou visitations allait diminuer, à défaut de disparaître avec le régime d’Ould Taya. Las ! Si le PRDS l’a inventé, l’UPR le perpétue et le modernise. Elle devrait payer des droits d’auteur au parti d’Ould Taya. Même en pleine pandémie COVID, ils n’arrêtent pas de courir derrière le président de la République, comme des troubadours. Le marabout qui semble prendre goût aux bains de foule pourra-t-il limiter les dégâts ? Mettre de l’ordre en ces déplacements c’est lutter quelque part contre la gabegie. En proclamant à Kaédi qu’il veut surtout écouter les soucis et les problèmes que vivent les populations locales, le président Ghazwani donne-t-il un signal aux suiveurs troubadours trop encombrants ?

Dalay Lam

جمعة, 20/11/2020 - 09:36