L’apologie de la colonisation : un Néo-harkisme impudent

L’argument de la paix est la première raison que les Néo-harkistes avancent pour légitimer la colonisation, pour évincer la langue arabe puis rendre possible son remplacement par le français. Ils arguent que le pays des Maures était Terra nullius(Territoire sans maître) où régnait la pagaille.

D’abord, le pays des Maures était tenu par des Émirs et beaucoup d’autres chefs tribaux. Ensuite, il y avait un ordre, féodal certes, mais il n’y avait pas d’anarchie au sens d’absence d’autorité.

Pour rappel, la colonisation française du pays des Maures a commencé en 1902 et s’est terminée en 1960. En France, la Grande guerre pointait déjà à l’horizon et éclata en 1914. En 1939, c’était la deuxième Guerre mondiale suivie des guerres de libération. Cela dit, l’hexagone avait lui besoin de paix beaucoup plus que la Mauritanie.

En plus, il ne s’agit que d’une cinquantaine d’années d’occupation très superficielle où il n’eut aucun développement urbain significatif et aucun enracinement culturel à noter. De là à dire que la Mauritanie était un don de la France comme « l’Égypte était un don Nil », c’est comme prendre Paris pour un petit « village encadré dans le feuillage ». Xavier Coppolani avait lui-même démenti un siècle plutôt l’assertion inconsidérée des Néo-harkistes quand il disait « ce pays [la Mauritanie], en définitive, n’est-ce pas moi qui l’ai donné à la France ».

Quoiqu’on dise, La Mauritanie n’était pas dépourvue d’intérêts économiques, s’ajoutant au caractère stratégique de son espace, son sous-sol regorgeait de matières premières : la société de mines de fer de Mauritanie (MIFERMA), qui exploitait le fer et nationalisée treize ans après l’indépendance, en est un exemple probant. Sans compter l’impôt colonial (Al ouchr, le dixième de la fortune animale) collecté par les chefs de tribus au service du colonisateur et qui donnait des insomnies aux populations indigènes.

Par rapport à la fameuse mission civilisatrice, là encore, il faut relativiser.

Les Maures n’étaient ni primitifs ni ignorants même si ailleurs existaient des peuplades dans cet état. Avant leur contact bien limité avec la civilisation judéo-chrétienne, ils étaient déjà arabes et musulmans. L’école coranique était leur établissement d’enseignement, elle alliait flexibilité, proximité et efficacité, assez pour former des docteurs de la loi musulmane, la plus haute autorité cultuelle et culturelle de la société.

Encore, sur leur territoire s’étaient plantées plusieurs villes dont de très anciennes : Oualata, Ouadane, Chinguetti et Tichit qui étaient des foyers de culture de très haut niveau, leur rayonnement déteignait sur nos voisins du Sud, et les oulémas chinguittiens professaient au Maghreb comme au Machrek.

Sur sa frontière Nord, bien avant Marseille, il y avait Marrakech et Fès d’excellents foyers de culture et de civilisation. Mieux, Fès abritait l’une des plus anciennes universités du monde, Université Alqaraouine fondée en 859.

Donc laissées à elles-mêmes, les tribus maures auraient retrouvé la paix comme l’Europe détruite par deux grandes guerres avait pacifié son espace. Elles auraient évolué inévitablement vers quelque chose de plus formel et de plus moderne, vers un État.

La Mauritanie se trouvait, bien entendu, aux confins de l’Afrique noire et du monde arabe dont elle était la porte ouest. Mais le centre finit toujours par remorquer la périphérie. Rabat, le Caire, Bagdad et Damas allaient tout naturellement impulser chez les Arabo-Mauritaniens une dynamique de changement, une marche vers le modèle étatique.

A propos, il y a de très nombreux anticolonialistes français, ils sont écrivains et intellectuels. Il existe aussi un large courant tiers-mondiste en France. Les deux groupes condamnent la colonisation dans toutes ses formes, et certains d’entre eux vont jusqu’à demander des réparations aux puissances coloniales.

Aussi curieux que cela puisse paraître, ce ne sont pas ces justes et ces hommes de talent qui inspirent certains de nos compatriotes. Non, leur idole n’est autre que Xavier Coppolani : « Un corse d’Algérie chez les Hommes bleus. » :

Combien de pays ont été colonisés par la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal… et qu’avait-t-on prétexté pour le faire ?

Savent-ils que la pénétration coloniale française était inévitable et qu’elle n’avait pas besoin d’être justifiée ?

La France et plusieurs autres pays européens qui avaient souffert de la belligérance allemande (deux guerres mondiales, la France occupée, l’Europe détruite, 150 millions de morts) avaient-ils sollicité et justifié une colonisation américaine pour faire régner la paix ?

 

 

Extrait de ‘’Mauritanie : vous avez dit vivre ensemble ?’’.

خميس, 03/12/2020 - 11:49