La loi ne stipule pas l'obligation de traduire dans la vie nationale

 

La population d'un pays doit être en mesure de s'exprimer dans une langue commune. Cela s'applique également à l'administration, que ce soit entre elle-même ou entre elle et ses administrés. C'est une condition minimale pour l'intercompréhension à l'échelle nationale. 
 Pourtant, même si cela peut sembler inhabituel, la Mauritanie est le seul pays où la traduction et l’interprétation sont utilisées comme moyen de communication.
 Nous ne pensons pas que cela existe ailleurs.
Le wolof, par exemple, assure cette nécessité au Sénégal. Vous ne verrez pas leurs députés issus de 22 ethnies s'exprimer dans leur langue maternelle. Lors des émissions télévisées, des campagnes électorales et des rassemblements religieux, on utilise toujours le wolof. 
Par contre, chez nous, malgré les dispositions constitutionnelles qui définissent le caractère officiel de la langue arabe, et malgré l'immersion hassanophone, la lettre des 19 qui a initié le boycott de cette langue par les élites négro-mauritaniennes en 1966 demeure le mot d’ordre constant. Ainsi, en Conseil de ministres, il faut présenter deux communications : une en arabe et l'autre en français. À l'Assemblée nationale, nous avons quatre Ghettos linguistiques dont l'isolement est rompu grâce à l'intervention d'interprètes. Et lors des réunions de travail, il est indispensable de toujours interpréter, sinon cela pourrait devenir un dialogue de sourds entre les citoyens d'un même pays. 
Effectivement, lorsque l'on parle en arabe officiel, certains ethnicistes protestent et prétendent qu'ils sont exclus. Et pour qu'ils ne le soient pas, ils insistent sur le fait qu'une langue ne devrait pas être imposée.
Que leur affirmation soit exacte ou non, la loi ne spécifie pas non plus l'obligation de traduire dans la vie nationale. En conséquence, un obstacle pourrait surgir à tout moment si les Maures mettaient fin à leur engagement volontaire constant de jouer le rôle d'interprète-traducteur.
Question : si nous ne parvenons pas à nous comprendre mutuellement, comment peut-on vivre ensemble ?
Les nationalistes pulaar ont une solution miraculeuse. Il s'agit de la logique senghorienne appliquée au Sénégal, lors que la question s'est posée : recourir à une langue neutre, le français, qui est la langue-refuge des Négro-Africains, dit-on !
Nouvel obstacle : si les Négro-Mauritaniens ont opté pour le français pour des raisons connues, les Arabo-Mauritaniens, quant à eux, ont leur langue arabe, plus ancienne que le français, qui est également utilisée par l'ONU comme langue de travail. Faut-il la bannir car les Poulo-Toucouleurs ne sont pas des Arabes ?
Pour faire face à cette situation, l'État doit simplement imposer sa langue officielle. Sinon, instaurer le désordre en maintenant la confusion linguistique, c'est-à-dire permettre à chaque communauté d'utiliser sa propre langue dans la vie publique sans prendre en compte celle des autres. 
À coup sûr, cela provoquerait une cacophonie nationale indescriptible. Qui en voudra parmi nos partis politiques ?

Ely Ould Sneiba
Le 02 mai 2025

جمعة, 02/05/2025 - 15:59