Dans les années 1980 et 1990, l’Éthiopie était confrontée à une pauvreté persistante et à des crises alimentaires. Pourtant, sa compagnie nationale, Ethiopian Airlines, est devenue un leader du transport aérien africain. Ce succès repose sur une gouvernance efficace, le respect strict des normes internationales, la modernisation continue de sa flotte et une stratégie d’expansion soutenue. Il prouve qu’une compagnie aérienne peut devenir compétitive, même dans un environnement difficile, à condition d’être portée par une vision claire et une gestion rigoureuse.
Le transport aérien obéit à des règles internationales harmonisées. Tous les vols, quel que soit le pays d’origine, sont soumis aux mêmes exigences de sécurité, de maintenance et de qualité de service. Un vol au départ de Nouakchott doit ainsi respecter les mêmes standards qu’un vol partant de Paris. La performance ne dépend donc pas du niveau de développement du pays, mais de la qualité du pilotage et du respect des normes.
Cela illustre le principe économique de convergence inconditionnelle. Certains secteurs, comme l’aviation, permettent aux pays à revenu intermédiaire ou faible de rattraper leur retard en productivité. Ce rattrapage repose avant tout sur la gouvernance, l’efficacité institutionnelle et l’alignement sur les standards internationaux.
À la lumière de ce constat, les difficultés de Mauritania Airlines ne peuvent être attribuées aux contraintes économiques nationales. Elles résultent surtout d’un déficit de gouvernance, absence de planification à moyen terme, pilotage institutionnel faible et erreurs de gestion. Ce déséquilibre a nui à la performance opérationnelle et empêché de saisir les opportunités offertes par le cadre réglementaire international.
Pourtant, le pays a déjà démontré que ce rattrapage est possible. Dans les années 1980, Air Mauritanie s’était imposée comme un acteur régional crédible. Ce précédent montre que l’excellence est accessible, si elle repose sur une stratégie cohérente, une volonté politique forte et une gestion disciplinée.
Malgré la gravité de la situation, une liquidation ne constituerait ni une solution économiquement viable, ni une option juridiquement équilibrée. Elle conduirait à la disparition d’un transporteur souverain, accentuerait la dépendance envers des opérateurs étrangers et affaiblirait l’ancrage du pays dans les réseaux aériens et logistiques régionaux. Les répercussions sociales et contentieuses seraient significatives, comme l’a déjà révélé l’expérience d’une précédente liquidation.
Une alternative est possible. Elle passe par une restructuration profonde, fondée sur une meilleure utilisation des ressources disponibles. Cette réforme doit être ambitieuse, mais réaliste, et s’aligner sur les standards du secteur aérien international.
Un tel projet s’intègre parfaitement aux objectifs de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), qui vise à renforcer l’intégration régionale, améliorer les infrastructures et attirer davantage d’investissements privés. Une compagnie nationale bien gouvernée peut servir directement ces objectifs.
Cette restructuration pourrait aussi s’articuler avec d’autres réformes en cours, comme la création de la Bourse de Nouakchott. Cette dernière offrira un nouveau canal de financement pour les entreprises et contribuera à la transparence financière.
Redresser la compagnie, dans un cadre institutionnel solide et en lien avec un environnement financier modernisé, enverrait un message fort. Ce serait la preuve d’un engagement clair en faveur de la transformation économique, et d’une capacité à mener des projets structurants.
L’idée selon laquelle la liquidation permettrait une meilleure organisation du réseau aérien repose sur un raisonnement simpliste. Fermer l’entreprise reviendrait à abandonner un outil stratégique de souveraineté économique, essentiel pour connecter le pays, renforcer sa position régionale et soutenir l’économie.
Le transport aérien dépasse la seule fonction de déplacement. Sa pérennité reflète la capacité de l’État à gérer des actifs complexes. Il constitue un levier de confiance et un outil efficace au service des priorités définies par la SCAPP.
En définitive, il ne s’agit pas simplement de trancher entre maintien ou liquidation. L’enjeu est de savoir si nous voulons faire de cette entreprise un pilier stratégique, capable de soutenir notre développement et d’affirmer notre position dans l’espace géoéconomique régional.