L’Ukraine et nous

Le titre peut paraître sans objet pour certains. La Mauritanie est très loin de cette guerre consécutive à l’invasion de ce pays par la puissante Russie, avec les risques d’utilisation d’armes non conventionnelles brandies par Poutine face à l’Occident. Espérons qu’on n’en arrivera pas là, Hiroshima fut une douloureuse expérience pour toute l’Humanité et devrait donc inviter les uns et les autres à la raison. Cela dit, la Mauritanie est certes très éloignée de ce champ de bataille mais le monde d’aujourd’hui, on ne doit jamais l’oublier, est un village planétaire dont continents et pays ne sont plus que des quartiers. Les uns et les autres sont interdépendants.

La Mauritanie est un de ses quartiers pauvres et dépend pour l’essentiel de l’étranger. Principalement pour les produits vitaux mais également énergétiques.  Avec ce qui se passe en cette partie de l’Europe et les sanctions prises contre la Russie, tous les pays du monde risquent d’en pâtir et les plus faibles comme le nôtre pourraient prendre un sacré coup. Réputés gros producteurs de pétrole et de gaz, la Russie et l’Ukraine le sont aussi de blé – Ukraine, 4ème exportateur mondial de blé… – et de maïs, des produits très prisés dans le Monde et en Mauritanie qui en consomme beaucoup. La guerre va perturber le commerce international. Les plus réactifs changeront vite de stratégie, les autres resteront à la traîne… Après seulement quelques jours de conflit, les prix des matières premières se sont affolés : à commencer par le baril de Brent qui tutoie les 140 dollars et cela va tirer en conséquence tous les autres produits vers le haut.

 

Aggravation de la hausse des prix ?

Comme la plupart des pays africains et du Tiers-monde, la Mauritanie importe l’essentiel de ses besoins de l’étranger. Et depuis des années, les prix des produits vitaux n’ont cessé d’augmenter, affectant fortement les citoyens démunis. Ces deniers temps, c’était le COVID-19 déréglant le transport international qui en était déclaré responsable. Et même si l’on observe une légère éclaircie, celui-ci reste encore et toujours sous tension. La guerre au cœur de l’Europe, dans des pays greniers du vieux Continent et producteurs de pétrole, de gaz et de blé, ne va pas arranger les choses. Selon Terre-net, la tonne de blé dur a atteint, le 6 Mars 2022, 405 euros ; le blé tendre 393 euros et le maïs 300 euros…

« Avec un baril de pétrole à plus de 100 dollars, aucun pays n’échappera aux contrecoups de la guerre en Ukraine », annonce un économiste de la place, « ils ne vont pas tarder à se faire ressentir jusque dans notre pays. Les prix au niveau mondial sont régis par les bourses et le risque de voir une nouvelle fois s’envoler les prix des produits, surtout les plus vitaux, est réel ». À la question de savoir ce que l’État peut faire au cas où la situation se dégrade davantage, notre économiste se demande si celui-là est prêt à subventionner les produits vitaux ou à baisser les impôts. Mais est-il prêt à consentir ces sacrifices ? « La hausse attendue du prix du fer et de l'or pourrait ne pas compenser les impacts de la guerre », estime l’expert…

Une chose est déjà sûre : les efforts consentis par les pouvoirs publics à travers les boutiques Emel mises en place bien avant la pandémie et renforcées par celles du Patronat peinent à endiguer la hausse des produits vitaux. Accusée de faire monter les prix à la guise de ses membres, la Fédération nationale du commerce rejette la responsabilité sur le COVID, la faiblesse des capacités et les lenteurs au Port Autonome de Nouakchott (PAN). Coïncidence ou pas, une cargaison de 25 000 tonnes de blé importé par l’État a été débarquée le 5 Mars au PAN. Une entrée, apprend-on, pour les programmes sociaux de l’État.

« Cette guerre devrait avoir de sérieux impacts négatifs », ajoute un autre économiste, « sur les prix de l’énergie – pétrole et gaz – et sur la disponibilité – et donc le prix – d’une céréale aussi importante pour les Mauritaniens que le blé. Il devrait en être de même pour certains engrais très utilisés dans la riziculture ». Et, tout comme son collègue interrogé tantôt, « ces impacts ne seront pas suffisamment compensés, pour nous Mauritaniens, par la hausse attendue des cours des minerais », conclut-il.

                                                                    Dalay Lam

 

خميس, 10/03/2022 - 09:08