Raffinerie de Nouadhibou : Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage

On s’accorde à dire que la raffinerie de pétrole de Nouadhibou ne pouvait raffiner que le pétrole algérien de Hassi Messaoud et qu’elle n’était pas rentable. On dissémine aujourd’hui en plus le fait qu’elle présente un haut risque sécuritaire et environnemental et qu’il faut par conséquent s’en débarrasser. Un leitmotiv auquel on est devenu habitué. « Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage ».

A la demande de certains de mes amis, j’aborderai ces questions d’une manière succincte et de la façon la plus simple possible.

Après un parcours infortuné, on espérait pour la raffinerie une nouvelle ère de bon augure corroborée par une gestion plus saine lui permettant d’accompagner le nouveau décollage économique. Mais la décision de son démantèlement par la SOMIR présage que sa période de disgrâce n’est pas terminée et risque encore de perdurer.

Ma dernière lettre ouverte à ce sujet au président de la république en 2010 était venue à point nommé. La lutte contre la gabegie était en vogue et l’espoir du changement était majeur mais très vite cette politique s’est estompée laissant place à un pillage excessif de nos richesses provoquant ainsi la montée drastique de la pauvreté et le recul de la démocratisation. Il s’en est suivi particulièrement pour la raffinerie une longue période d’abandon totale où les simples mesures usuelles de conservation et de sécurité étaient méconnues.

Un inventaire et une analyse des facteurs déterminant la rentabilité de l’usine pourraient constituer une aide susceptible de clarifier les esprits sur la portée et l’importance du débat.

Nous sommes conscients que notre méthode d’approche pragmatique est incomplète. Il existe des éléments déterminants entrant en jeu que nous n’aborderons pas ici pour non disponibilité de données par ce que Naftal (société algérienne) qui avait géré la raffinerie pendant quinze ans avait gardé ses comptes au secret.

La rentabilité d´une raffinerie, en général, est la résultante de la conjonction de trois facteurs : le choix du pétrole brut utilisé, la configuration de son procédé de raffinage et la qualité désirée des produits obtenus.

La qualité des produits étant fixée à l’avance comme spécifications nationales, ce sont en réalité dans notre cas la nature du pétrole brut et la configuration du procédé de raffinage qui comptent.

Pour le choix du pétrole brut utilisé , l’argument faisant de la raffinerie une usine ne pouvant traiter que le pétrole algérien est une imposture sans fondement. Je n’ai jamais cessé de le répéter dans les lettres ouvertes aux présidents de la république en 2002 et en 2010. En 2005, j’ai remis aux autorités militaires un rapport des anglais listant l’ensemble des pétroles brut qu’elle peut raffiner. Il s’agit des pétroles bruts provenant des pays suivants : Nigeria – Libye – Algérie – Angola – Indonésie etc….

Le bureau  d’étude Canadien CIMA-OPTEC a précisé à la page 9 de son rapport : « Le pétrole Bonny Light (du Nigéria) fut retenu, de préférence au brut de Hassi Messaoud, afin de considérer la situation la plus favorable à la raffinerie de Nouadhibou ».

Le fait de raffiner le pétrole nigérian présenterait un double avantage pour nous. Le premier étant son grand rendement en gasoil et le deuxième son bas prix par rapport au pétrole de Hassi Messaoud.

Pour ce qui est de la configuration de son procédé de raffinage, Il est utile de signaler que l’usine renferme une unité d’hydrodésulfuration (qui n’existe pas dans les raffineries algériennes) pour le traitement des pétroles sulfurés. Ces pétroles sont beaucoup moins chers que celui de Hassi Messaoud. Durant tout l’historique de fonctionnement de la raffinerie avec Naftal, cette unité était restée à l’arrêt.

De même, compte tenu du fait que le pourcentage de la fraction légère dans le pétrole de Hassi Messaoud est élevé, les raffineries algériennes sont dotées d’une section leur permettant de gagner en énergie de chauffe. Cette section n’a pas été prévue dans le procédé de fabrication de notre raffinerie.

Ces deux paramètres parmi tant d’autres, marquent une différence nette en terme de schéma de fabrication entre la raffinerie de Nouadhibou et les raffineries algériennes.

On aurait pu diversifier sa production par l’ajout d’une section dotée d’une colonne de distillation sous-vide pour obtenir  un résidu asphaltique (bitume routier).  Ceci nécessiterait l’importation d’un pétrole réduit comme pour le cas de la raffinerie algérienne d’Arzew.

Si l’Algérie en tant que pays frère qui nous a beaucoup soutenu dans des moments difficiles et que nous aimons beaucoup plus que notre propre pays, serait disposée (même à perte) à nous soutenir pour raffiner un autre pétrole, NAFTAL quant à elle, en tant qu’entreprise commerciale n’avait pas beaucoup de marge de manœuvre. Ses responsables avaient une mission bien cadrée et n’étaient pas habilités à s’aventurer sur d’autres terrains.

C’est dire qu’au moment où l’on se bornait à raffiner le pétrole algérien, il fallait tout simplement choisir un pétrole sulfuré (moins cher) et ayant un rendement élevé en gasoil compatible avec notre marché.

En tout cas, on se serait bien rempli les poches pendant la crise du covid où les prix du pétrole avaient chuté de manière vertigineuse.

S’agissant des risques environnementaux et sécuritaires qu’elle peut présenter, je trouve que ce sont les mêmes risques inhérents à toutes les raffineries de pétrole dans le monde. La SOMIR en charge de la raffinerie aurait dû prendre les dispositions par elle-même pour garantir la pérennité des installations et la protection de l’environnement. Ces mesures devraient être prises de manière professionnelle sans avoir recours à vouloir s’en débarrasser de manière abominable.

Par le passé, nous avons fait face en 1992 au plus grand feu qu’une raffinerie peut avoir. Il s’agit d’un feu d’hydrogène sous une pression de 24 bars et à haute température dans un four en fonctionnement. Notre personnel mauritanien a su avec courage arrêter l’usine en toute sécurité et maîtriser le feu. Ni la SNIM, ni le parc de stockage juste à moins de 200 mètres et encore moins le site de Cansado n’avaient été inquiétés.

Comme je l’avais dit par le passé, tous les équipements essentiels sont encore fonctionnels. Seule la tuyauterie, le système de commande et quelques structures métalliques ont été sérieusement affectés par la corrosion.

 

A suivre…….

 

El Hadj OULD SIDI BRAHIM

Ingénieur d’Etat en Raffinage-Pétrochimie

 

خميس, 10/06/2021 - 19:24